Le lin textile est une culture agronomiquement intéressante en agriculture biologique car elle permet de diversifier son assolement et d’intégrer dans la rotation une culture de printemps peu exigeante en azote et botaniquement très différente des autres espèces habituellement cultivées. Cette plante à la floraison éphémère profite en plus d’une bonne image et connaît actuellement une forte demande sur le marché. Une filière bio existe déjà, avec des volumes encore limités mais qui connaît un fort développement en France.
Toutefois, la culture du lin est techniquement difficile à maîtriser. Elle est réservée à certaines bonnes terres. Le lin est une plante à cycle très court sans rattrapage possible et les bonnes conditions de levée influent fortement le résultat final. Un bon partenariat avec son teillage et une solution de mutualisation de machines est également une des clés de réussite car la culture du lin nécessite plusieurs machines agricoles spécifiques (arracheuse, retourneuse, botteleuse et si possible écapsuleuse, souleveuse…) et un certain savoir-faire pour maîtriser le rouissage.
Sommaire
La Préparation du Sol
Le Semis
La Fertilisation
La Maîtrise des Adventices
La Maîtrise des Maladies et des Ravageurs
La Récolte et le Stockage
La place dans la Rotation
Le lin textile doit être implanté sur un sol très propre. L’enherbement ne peut être toléré à aucun stade, du semis à l’enroulage. La place privilégiée du lin textile sera donc en début de rotation, après un blé de prairie temporaire (luzerne ou mélange prairial). Il est possible de l’implanter directement derrière une prairie. Mais attention à trois facteurs de risque :
- le lin ne supporte pas les excès d’azote (attention derrière luzerne et pas d’apport organique trop récent, maximum 90-100 unités). Sinon, le risque de verse est fort,
- il n’aime pas les sols soufflés,
- il faut s’assurer qu’il n’y aura pas de fortes repousses de luzerne.
Rotation type polyculture : 2 ou 3 ans de luzerne, 1 an de blé, (interculture) 1 an de lin textile.
Si l’on estime que la parcelle a un faible potentiel d’enherbement, on peut placer une céréale secondaire entre le blé et le lin. Il faudra alors bien réussir le déchaumage et pratiquer un bon labour.
La Préparation du Sol
Les apports de calcaire sont à proscrire et les couverts d’inter-culture doivent être détruits au moins 1 mois avant l’implantation.
Il est possible d’implanter une culture intermédiaire durant l’hiver qui précède le lin. Des bons résultats ont été obtenu avec du trèfle blanc semé sous couvert de la céréale précédente. Il faut détruire l’interculture et l’incorporer au sol suffisamment tôt, pour assurer une dégradation totale du couvert et, dans le cas d’une non légumineuse, éviter la faim d’azote provoquée par l’activité des décomposeurs du sol.
La reprise du labour doit permettre d’obtenir des mottes inférieures à 5 cm en moyenne, avec un minimum de terre fine, sur 15 cm. Un lit de semences de 5 cm d’épaisseur suffit, le but est d’obtenir 60% de terre fine, les petites mottes protégeront le semis de la battance.
Un faux semis peut être réalisé mais attention à l’affinage excessif du lit de semence qui augmente les risques de battance, ainsi qu’au tassement du sol auquel le lin est très sensible.
Le Semis
A réaliser du 1 au 15 avril. La date de semis est prépondérante dans la réussite de la culture. Un semis plutôt tardif (après le 1 avril) permettra une levée plus rapide (sol réchauffé) et sera le seul facteur de lutte contre l’altise. Une bonne vigueur entraînera un développement plus rapide et donc une concurrence aux adventices dans un délai plus court. Les graines sont à déposer entre 1 et 2 cm de profondeur. Le passage de rouleaux peut être effectué si :
– le semis a été effectué dans une terre un peu creuse
– il y a un risque de sécheresse
– il y a un risque d’attaque d’altises (les altises se cachent sous les billots de terre : une terre fine ou roulée limite cette éventualité)
La densité de levée recherchée à la récolte est de 1800 à 2000 pieds/m². Pour cela, il faut compter une densité de semis de 2200 grains/m² (environ 110 à 140 kg/ha selon le poids de la variété (aux alentours de 5 à 6 g pour 1000 grains) et l’augmenter en fonction du nombre de désherbages mécaniques prévus (un passage de herse étrille ou de houe rotative élimine environ 10% des plants, il faut donc semer à 2400 ou 2500 grains/m² pour 2 désherbages).
La qualité de la semence a une grande importance car en bio elle n’est pas traitée. L’enrobage au zinc n’est pas possible car le produit contient 1% d’urée. Il n’y a pas de semences sélectionnées spécifiquement pour l’agriculture biologique. Pour le choix de la variété il faut tenir compte, entre autres, du potentiel de rendement, de la tolérance aux maladies (fusariose, brûlure, oïdium), de la gamme de précocité, des conditions pédoclimatiques, etc. Une bonne vigueur au départ est primordiale pour la gestion des mauvaises herbes.
La Fertilisation
En général le lin ne supporte pas les excès de fertilisation (qui seront alors causes de verse, maladies, ravageurs, etc.), mais en bio, même si les reliquats sont importants, le risque de verse s’avère moins important. Les besoins de la culture tournent autour de 100 unités d’azote par hectare. Ses besoins en phosphore et autres éléments sont faibles, mais élevés en potasse (140 U/ha).
Un apport foliaire de zinc est possible conseillé au stade cœur ouvert (2 cm), sous forme de sulfate (4 kg/ha) ou mieux sous forme chélatée (Tonilin p.ex) à la dose préconisée équivalente.
La carence en zinc induit une ramification de la tige. Elle est souvent causée par un blocage de l’élément dans le sol du à des conditions asphyxiantes, un temps froid, un excès d’un autre élément dans le sol ou à un pH trop élevé (ne surtout pas apporter de chaux avant cette culture !).
La Maîtrise des Adventices
La maîtrise des adventices est prépondérante dans la conduite de la culture.
La culture du lin est peu couvrante jusqu’à 15 cm de hauteur.
Les adventices indésirables sont surtout les crucifères, les liserons, les mourons, les véroniques, les renouées, les chénopodes, la folle avoine et le rumex. Non seulement elles peuvent concurrencer la culture en place puis gêner les chantiers d’arrachage et de rouissage, mais si elles s’installent dans les andains au sol, elles rendent le teillage difficile, se mêlent aux fibres du lin et font baisser la qualité du produit final.
L’enherbement se gère d’abord et surtout en préventif : choix d’une parcelle propre, placement de la culture en début de rotation, pratique du faux semis (sous réserve de ne pas déstructurer le lit de semence) et choix de l’écart entre rangs.
Il est nécessaire d’obtenir une levée rapide et homogène : une bonne vigueur entraînera un développement plus rapide et donc un délai plus court pour que le lin concurrence les adventices.
Il est important de tout mettre en œuvre en amont : rotation, précédent, choix de la parcelle, interculture, date et densité de semis.
Les techniques de désherbage mécanique doivent être considérées comme un rattrapage parce que leur efficacité est liée au x conditions climatiques et peuvent, certaines années, ne pas être favorables. De plus, le désherbage mécanique peut favoriser la germination d’autres adventices. Ceci dit, tous les liniculteurs bio désherbent mécaniquement et réussissent globalement. De très bons résultats ont été observés aussi sans aucun désherbage sur des parcelles très propre.
- La herse étrille est efficace à partir de 3 cm, et à condition que les adventices ne soient pas trop développées. Son usage est déconseillé après 10 cm car il y a un risque d’altération des fibres. Attention aussi au réglage de l’agressivité : la herse étrille peut abîmer les racines et rendre le lin fourchu.
- La houe rotative est à utiliser avec précaution car elle peut arracher le pivot du lin, et les modalités d’utilisation dépendent beaucoup des conditions climatiques et de l’état de la terre. Elle s’utilise au même stade que la herse. Il ne faut surtout pas de sol soufflé mais un sol rappuyé par roulette sur semoir, ou rouleau (lisse ou Crosskill)
- Le binage est une bonne solution si on peut semer à 15 cm d’écartement. Il existe des bineuses avec des écartements faibles, mais qui nécessitent un guidage automatisé (caméra, RTK,…). Le binage est possible à partir de 6-8 cm jusqu’à 25 cm. L’écartement conséquent entre les rangs laisse néanmoins une surface toujours propice à l’installation d’adventices.
La Maîtrise des Maladies et des Ravageurs
Pour ne pas exposer la culture à des risques de maladies, il faut respecter un délai de retour de 7 ans sur la même parcelle. Attention les excédents de fertilisation sont favorables au développement des maladies et de la verse, qui à son tour est facteur de maladie (sclérotinia, botrytis). L’oïdium est la maladie la plus répandue sur cette culture, mais son incidence reste faible si elle ne s’installe pas trop tôt. Il peut s’installer en cas de stress de la plante (sécheresse, tassement du sol, etc.) ou des conditions de végétation luxuriante, liés à la fertilisation. Une apparition tardive ne posera qu’un problème d’évaluation de la maturité. Le choix de la variété et la densité de semis sont aussi des paramètres à prendre en compte. D’autres maladies moins fréquentes sont la pourriture grise (Botrytis cinerea) et l’anthracnose du lin.
Une densité trop élevée peut générer de la verse.
Pour éviter le risque altises à la levée, mieux vaut éviter les crucifères et les pois en précédent et permettre une levée rapide par un semis dans des sols bien réchauffés. Un sol assez fin et suffisamment rappuyé par roulage permet également de réduire les attaques d’altises.
Les thrips sont à craindre par temps sec et chaud dès la levée, mais l’impact sur la culture est limité, sauf en cas d’attaque précoce.
La Récolte et le Stockage
Arrachage, rouissage, et enroulage sont réalisés dans un délai minimum d’un mois. Il est très important, si vous ne possédez pas le matériel de récolte, d’avoir une relation de confiance avec votre teilleur afin de pratiquer le(s) retournement(s) au bon moment. Le retournement de l’andain permet d’éviter l’imprégnation d’adventices rampantes telles que la renouée liseron, la renouée des oiseaux ou le gaillet dans les andains de paille. Une souleveuse est parfois nécessaire avant le ramassage.
Le stockage des boules peut se faire chez l’agriculteur ou le teilleur. Le teilleur doit être certifié GOTS (Global Organic Textile Standard, c’est le correspondant du label AB pour les produits textiles) pour la fibre et AB pour la graine. En 2010, les teilleurs certifiés GOTS sont à notre connaissance : Ets Devogele (77), coopérative du plateau du Neubourg (27) , coopérative Terre de lin (76), coopérative du Vert Galant (76) et Opalin (62). Mais des accords existent entre teilleurs pour faire teiller le lin bio sur des sites certifiés. Des teillages envisagent également la certification dès que le volume en paille de lin bio de leurs adhérents sera suffisant.
L’association dispose d’un annuaire des teillages et peut vous renseigner sur l’organisation de cette première étape de transformation, dans votre région. Contactez-nous.
Un lin de qualité est un lin solide, propre, homogène et fin. Les rendements en bio peuvent être comparables à la moyenne en culture conventionnelle.